Frédéric Régent

La France et ses esclaves

Pendant plus de deux siècles, quatre millions d’esclaves ont peuplé des terres françaises. Deux millions d’entre eux sont nés en Afrique et ont été transportés par des navires négriers dans les colonies, les deux autres millions y sont nés. Il existe des histoires de la colonisation française, des histoires de chaque colonie, des histoires générales de la traite, mais il n’existait aucune histoire de l’esclavage français, dans l’ensemble des colonies françaises (Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane, Saint-Domingue...), sur toute la période coloniale.

Le livre de Frédéric Régent, grâce au renouvellement de l’historiographie sur le fonctionnement des sociétés esclavagistes françaises, comble un vide et permet de répondre à de nombreuses questions : Pourquoi des Français ont-ils été amenés à devenir des esclavagistes ? Pourquoi ont-ils choisi de recourir à la traite négrière ? Comment les notions de Blancs et de Noirs ont-elles été inventées ? Quel bénéfice la France tire-t-elle de l’économie esclavagiste ? Quelles sont les limites à l’exploitation des esclaves ? Pourquoi la France rétablit-elle l’esclavage après l’avoir aboli ? Quel rôle jouent respectivement les esclaves et les abolitionnistes dans le processus d’émancipation ?
Un ouvrage essentiel, au cœur d’une nouvelle approche de l’histoire de France.

Frédéric Régent

Les maîtres de la Guadeloupe

Propriétaires d’esclaves, 1635-1848

Si les sociétés coloniales des Antilles françaises sont bien connues à travers l’histoire des esclaves, celle de leurs propriétaires restait à faire. Et pour cause : c’est la chronique honteuse de dominants engagés dans une épouvantable entreprise d’exploitation de femmes, d’hommes et d’enfants.

Pourtant, l’histoire des esclaves est indissociable de celle des maîtres. C’est celle que raconte Frédéric Régent, à travers le cas de la Guadeloupe. Il suit en particulier le parcours de quatre familles sur huit générations et reconstitue leur installation sur l’île, à partir de 1635. C’est le temps de la culture du tabac, il faut mettre en valeur les terres : ces premiers colons font appel à des engagés, des Européens, qui sous un contrat de servitude subissent de terribles conditions de travail qui préfigurent celles que subiront les esclaves. Par la suite, certains de ces engagés deviennent eux-mêmes des maîtres.

Puis avec le développement de la production de sucre, les esclaves sont de plus en plus nombreux à être importés d’Afrique. Ces maîtres ont recours à une extrême violence. Toutefois, du fait du faible nombre de femmes européennes, certains s’unissent avec leurs esclaves. Au gré de la fortune, quelques-uns de leurs descendants passent pour blancs, tandis que d’autres forment la catégorie des libres de couleur. La production de sucre fait la richesse de ces propriétaires. À travers leurs habitations, ils mettent en place des entreprises mobilisant d’énormes capitaux en s’intégrant à une économie connectée au monde. Les maîtres de la Guadeloupe constituent bien un des acteurs moteurs d’une des principales puissances de l’Europe moderne.

Les femmes et la liquidation du système esclavagiste à la Martinique 1848-1852

Gilbert Pago

La période de 1848 à 1852 correspond à un des moments importants de l’histoire de la Martinique et est vécue comme tel par sa population. Ce fut pour les trois quarts de la population, le passage de l’état de servitude à celui de la liberté et aussi l’accès au statut de citoyens. Cette époque magnifiée dans la conscience populaire, paradoxalement est mal connue. Les acteurs de cette grande page d’histoire sociale, en dehors des figures de proues, ont été peu étudiées das leur démarche collective.

Gilbert Pago a fait le choix d’appréhender les femmes martiniquaises de ce milieu du XIXe siècle comme un groupe social hétérogène qui n’est ni une entité figée, naturelle et éternelle. Il a tenté de les saisir comme le produit d’une évolution historique, c’est-à-dire se créant une identité instable en perpétuelle évolution.

Quel nouvel équilibre les femmes martiniquaises sont parvenues à établir dans la période de liquidation du système esclavagiste ? Comment expliquer que l’émancipation n’a pas débouché sur une avancée considérable de la condition féminine à la Martinique, alors que les femmes ont été très présentes sur les scènes décisives ? En quoi les acquis de cette époque ont constitué des points d’appui pour les périodes ultérieures et pour les femmes ?

Gilbert Pago

Lumina Sophie dite “Surprise”, 1848-1879

Insurgée et bagnarde

Gilbert Pago nous retrace la résistance des femmes des campagnes martiniquaises dans les 22 années qui ont suivi l'épopée de 1848. L'auteur relate cette dure page à travers le personnage de feu que fut Marie-Philomène Roptus, mieux connue sous l'appellation de Lumina Sophie dite Surprise, une des insurgées les plus actives de l'Insurrection de 1870 dans les campagnes du sud de la Martinique. De Surprise, celle dont on a dit qu'elle fut la figure de proue de la révolte, l'image même de ces femmes représentant la flamme de l'insurrection, la biographie manquait !

Gilbert Pago lui rétablit son identité, fait découvrir son lieu de naissance, la campagne de son adolescence.

Il nous fait connaître sa grand-mère, sa mère, son frère, ses oncles et tantes, ses cousins et cousines, sa filleule, son concubin et son fils. Il nous décrit l'univers impitoyable que fut le bagne de Saint-Laurent-du-Maroni où elle passa les huit dernières années de sa vie avant de mourir à l'âge de 31 ans. Il nous fait défiler l'histoire passionnante, douloureuse et tragique de Marie-Philomène Roptus dite Lumina Sophie dite Surprise, insurgée et bagnarde, femme-flamme du Sud en révolte.

Éliane Sempaire

En tant Sorin, 1940 à 1943

Le gouverneur Constant Sorin évoque la période de Vichy pendant laquelle son rôle fut très controversé. Obligé d'obéir à l'amiral Robert qui tenait les Antilles avec 2 500 marins, mais aussi La Jeanne et une escadre comprenant les croiseurs Estérel, Quercy, Barfleur et une escadrille de sous-marins de 1500 tonnes avec le Surcouf, un modèle unique, orgueil de la marine française. Avec le porte-avions Béarn, chargé d'avions achetés aux usa et surtout le croiseur Emile Bertin porteur d'un véritable trésor de 300 tonnes d'or, destiné au Canada, mais qui fut conservé précieusement.

Et puis, ce décor étant planté, vous apprendrez comment les Guadeloupéens se nourrissaient, puis rétablirent le commerce, résistèrent contre les convoitises des amis anglais, américains,
canadiens, etc. Enfin ce fut la délivrance, des marins français « libres », fraternisant avec ceux qui, pendant trois ans, avaient maintenu le drapeaux
français. Que de moments passionnants de cette tranche de vie, revivons-nous grâce à Eliane Sempaire. Malgré les restrictions et le carburant antillais, ce fut l'occasion de se remettre aux cultures vivrières, à l'élevage, à la pêche. Un livre à lire absolument.


Jean-Belmont

Une jeunesse guadeloupéenne

1926-1946

Le lecteur vit, d'anecdotes en faits d'armes, la jeunesse guadeloupéenne de Jean Belmont.

Son destin accompagne celui de l'histoire du monde, de sa Guadeloupe natale jusqu'à l'Allemagne libérée, en passant par Monte Cassino.Son idée de la liberté ne connaît pas de frontière.Il écrit comme il parle, avec une façon de dire qui donne à son récit un indéniable ton d'authenticité. C'est d'abord le regard émerveillé de l'enfant qui voit partout la beauté, celle des paysage de son île natale, celle des jeunes filles qui enchantent son regard de leur grâce, celle de l'amitié qu'il a pour ses copains et de l'amour qu'il porte à ses proches. Puis le jeune homme heureux part pour la guerre. Appel du général de Gaulle, ou bien désir de voir le monde et de fuir l'univers confiné crée par les représentants de Vichy en Guadeloupe ? Partir, c'est tout.

Et là encore, il traverse l'horreur avec une bonne humeur constante. L'intérêt du témoignage de Jean Belmont, c'est que, contrairement à ceux qui ont raconté les exploits guerriers les plus extraordinaires, lui, il ne sort jamais de cette vie de tous les jours où, en même temps que l'on porte son barda, on ne cesse de regarder les gens, les belles filles surtout, on continue à vouloir bien manger et à prendre la vie à bras le corps. Le récit de Jean Belmont est agréable à lire pour cela. Aucune forfanterie, des souvenirs simples, dans lesquels on entre avec plaisir.